Ombre et lumière
Qu'est-ce que l'ombre? C'est l'absence de lumière. En effet si j'accroche des rideaux opaques devant mes fenêtres, j'empêche la lumière de passer et il fait sombre dans ma maison. Lorsque je joue avec la luminosité, je fais aussi varier l'obscurité. Par contre je ne peux pas manipuler l'obscurité pour modifier la luminosité. L'obscurité c'est l'absence de lumière. Je peux manipuler ce qui est présent, je ne peux pas manipuler ce qui est absent. Est-ce que le bien et le mal fonctionnent de la même façon? Pas du tout.
Imaginons un vieux couple dont les membres ne s'entendent plus du tout. Rester ensemble leur fait du mal, d'autant plus qu'ils ont parfois le béguin pour des tierces personnes et doivent s'en cacher. Imaginons maintenant qu'ils sont très angoissés, le moindre remous nerveux leur inflige des tourments disproportionnés. Ils font tout pour éviter la solitude car elle pourrait leur être fatale. Se séparer leur ferait du mal. Donc résumons, ensemble=mal, séparés=mal.
Si le bien et le mal étaient comme l'ombre et la lumière, l'inverse de ce qui fait du mal ferait forcément du bien, le dilemme n'existerait pas. Or ce n'est pas le cas. L'un n'est pas l'absence de l'autre, ils sont indépendants. Si le mal est lié à l'ombre dans notre imagination, c'est surtout parce qu'il vaut mieux se cacher pour faire ce qui déplaît. L'ombre est la cachette idéale des intentions douteuses. Par simple analogie, nous en déduisons que la lumière est liée au bien, c'est totalement faux.
La lumière permet de voir clair. Elle éclaire autant le bien que le mal. Elle éclaire ce qui nous plaît et ce qui nous déplaît. Elle éclaire la sage-femme qui donne naissance à un enfant, et le soldat en train de violer-tuer-piller d'innocents villageois. La lumière signifie seulement qu'on perçoit parfaitement ce qui se passe mais cela n'implique absolument pas que l'action en cours devient bénéfique ou joyeuse par magie. La lumière peut donc être assimilée à la vérité, car elle permet de discriminer sans ambiguïté. Un proverbe dit qu'il n'y a que la vérité qui blesse. De même, la lumière fait du mal lorsqu'elle elle dévoile un spectacle déplaisant. Un autre proverbe dit que la vérité sort de la bouche des enfants. Ils n'ont pas l'intention de flatter, ni de vexer, ils veulent juste comprendre. De même, la lumière n'est ni positive, ni négative, elle montre juste la vérité, quelle qu'elle soit.
L'obscurité permet de voir flou ou de ne rien voir du tout. D'un côté, il est vrai que les actions malfaisantes sont plus faciles à perpétrer dans l'obscurité. Elles frappent ainsi leurs victimes par surprise, le malfaiteur peut même disparaître en toute impunité. D'un autre côté, lorsqu'on possède un précieux trésor, qui risque d'être désacralisé par la violence du monde extérieur, on le cache à l'abri, loin de la lumière et des regards indiscrets. On peut, face à l'urgence d'une situation difficile, manifester des qualités insoupçonnées jusque là. Où étaient elles ? Cachées dans l'obscurité de notre potentiel. Donc l'ombre peut autant dissimuler le mal que le bien. Pour obtenir de l'obscurité, on peut éviter d'éclairer ou occulter la lumière déjà présente. Il apparaît donc que l'omission et la déformation fonctionnent comme l'obscurité, car cela empêche l'accès à la vérité qui éclaire.
Si je me fais une entorse à la cheville, est-ce que le fait de déguster une bonne glace au chocolat peut me guérir? Bien sur que non. Cela peut me réchauffer le coeur, me donner du courage pour surmonter la douleur et me motiver pour me soigner. Si mon moral est positif, je pourrais même cicatriser plus vite. Il existe un principe hermétiste qui dit : "en haut tel qu'en bas, en bas tel qu'en haut". En vertu de cette loi, j'estime que les émotions et le mental fonctionnent comme le physique. Les plaisirs émotionnels ou intellectuels ne peuvent pas guérir les blessures du coeur ou de la tête. Une blessure doit nécessairement être soignée par des moyens appropriés. Se faire plaisir ne fait qu'instaurer une ambiance propice à la guérison.
Dans ce cas, c'est une erreur de croire qu'en cultivant le bien, le mal disparaît automatiquement. Renforcer le bien peut éventuellement masquer le mal mais il n'en demeure pas moins présent et susceptible de ressurgir à n'importe quel moment. C'est également une erreur de croire qu'il suffit de combattre le mal pour que le bien s'installe. En supprimant le mal, on fait place nette. Cet espace libre peut ultérieurement être envahi par du mal ou par du bien. Si on veut développer le bien, il faut le construire. Si on veut diminuer le mal, il faut le détruire. Ces 2 tâches sont indépendantes. Le bien, c'est ce qui nous procure des sensations plaisantes et que nous souhaitons prolonger. Le mal, c'est ce qui nous procure des sensations déplaisantes et que nous souhaitons interrompre.
Notre éducation joue un grand rôle dans la détermination de ce qui nous plaît et de ce qui nous déplaît. De grosses aberrations culturelles peuvent ainsi nous amener à aimer des choses maléfiques ou à détester des choses bénéfiques. Par exemple, j'estime que l'équation lumière=bien, obscurité=mal est dangereuse. Dans le milieu spirituel, j'ai croisé des gens qui se disent chercheurs de vérité et qui en réalité sont des chercheurs de mièvreries. La moindre négativité leur fait rebrousser chemin en se hérissant les poils du dos. La moindre positivité recouvre leur visage d'un large sourire attendri. Pourtant illuminer la négativité est le seul moyen de pouvoir l'éliminer. Parallèlement la positivité recèle parfois des aspects toxiques, il peut être utile d'éclairer toutes ses facettes avant de se réjouir.
lumière = voir du bien ou du mal = connaissance
obscurité = dissimuler du bien ou du mal = ignorance
Si je vois alors je peux réfléchir aux moyens d'actions, après avoir éventuellement versé une petite larme pour évacuer le choc de la révélation. Si je ne vois rien, il est imprudent d'en déduire que tout va super bien. Si je dissimule la négativité alors je transporte certainement une bombe à retardement.
Personnellement j'apprécie la lumière lorsqu'elle me permet d'admirer la beauté, la puissance et l'ingéniosité des lois de la nature. J'apprécie la lumière lorsqu'elle dévoile les saletés qu'il vaut mieux nettoyer au plus vite. Je crains l'obscurité lorsqu'elle dissimule des intentions troubles. J'apprécie l'obscurité lorsqu'elle protège des richesses insoupçonnés.