Noblesse 2.0

Nous vivons malheureusement dans un monde où il n’est pas d’usage de rechercher la racine des problèmes. Lorsqu’un sujet est trop douloureux, nous préférons y toucher le moins possible afin de limiter la souffrance. La tentation est grande de s’en débarrasser dès qu’un prétexte le permet. Ce mécanisme est largement utilisé en société, comme on peut s’en percevoir dans les illustrations suivantes.

« Le monde va mal. La misère frappe une grande partie de la population mondiale. Même dans les pays occidentaux, une part croissante de la population est saisie par l’inquiétude des lendemains qui ne chantent plus. À qui la faute ? C’est la faute des riches qui usent et abusent des ruses les plus perfides pour s'accaparer des fortunes indécentes qu’une vie entière ne suffirait pas à dépenser. »

« Le monde va mal. L’insécurité et la criminalité grimpent en flèche. Le communautarisme grignote peu à peu la cohésion sociale durement acquise. Chaque groupe culturel réclame à corps et à cris des réformes sociales qui vont à l’encontre de l’histoire et des valeurs de la nation. Il est impossible de satisfaire toutes les revendications car elles sont contradictoires entre elles. À qui la faute ? C’est la faute des migrants qui exigent le droit de reconstituer les conditions de vie qu’ils ont quittées, au lieu de s’’intégrer dans leur pays d’accueil. »

« Le monde va mal. La perversion rampante s’insinue dans toutes les couches de la société. Les fondements les plus profonds de nos vies sont ébranlés. La famille, socle multi-millénaire des structures de l’humanité, est plus que jamais menacée de démantèlement. Sous prétexte de lutte contre les injustices, la virilité des hommes est attaquée de toute part, accusée de tous les maux, considérée comme responsable de tous les méfaits du monde. À qui la faute ? C’est la faute des LGBTQIA+ qui veulent imposer leur style de vie à tout le monde, bien qu’ils soient en minorité. »

« Le monde va mal. Les mœurs sont de plus en plus dissolues. La pornographie la plus abjecte défile en boucle sur tous les écrans. L’humain s’écarte de plus en plus du droit chemin tracé par la nature pour se vautrer dans des comportements immondes, que même un animal rejetterait avec horreur. Pour punir notre désobéissance collective, la guerre, la famine, la maladie et les cataclysmes s’abattent sur nos têtes. À qui la faute ? C’est la faute des mécréants qui délaissent la pure voie des enseignements sacrés pour satisfaire égoïstement leurs pulsions matérielles les plus basses. »

En fonction de ses propres croyances et convictions, chacun accuse les autres d’être responsables de tous les malheurs du monde. Cette liste est sans fin.

Et puis à ma grande surprise, la crise soi-disant sanitaire du COVID19 a révélé l’existence d’une communauté discrète, peu nombreuse, pourtant dotée de moyens d’action redoutables.

« Le monde va mal. L’humanité souffreteuse rampe dans la fange la plus dégoûtante. Les miséreux se contentent de leur médiocrité sans jamais lever leurs yeux ternes vers des objectifs exaltants. Ils se débattent vainement pour obtenir un pathétique semblant de confort dans leur piètre existence dénuée de la moindre étincelle de grandeur. Il est difficile de choisir, quoi de la bêtise ou de la maladie, est le plus répugnant chez les démunis. Non contents d’être pitoyables, ils se reproduisent plus vite que des lapins frétillants désespérément dans une auge en putréfaction. À qui la faute ? C’est la faute des humains faiblement dotés par la nature qui fait si mal les choses qu’il convient de corriger ses défaillances. »

Description caricaturale ? Pourtant cette mentalité existe depuis des millénaires. Elle subsiste encore de nos jours, plus forte que jamais, enhardie par la science, plus particulièrement la recherche en génétique. Parmi les ultra-riches de ce monde, beaucoup sont ainsi séduits par le transhumanisme et l’eugénisme, en vue de régler les problèmes du monde tel qu’ils le perçoivent et de surpasser la nature qu'ils jugent viciée.

Dans les temps anciens, "dieu" désignait les puissants amenés à exercer un règne absolu sur les individus de basse extraction. Avec le temps, il a perdu son influence. Cependant cette notion d’humains supérieurs aux autres est demeurée intacte. Avant c’était le divin qui décrétait la supériorité maintenant c’est la science. Nous connaissions "ceux qui étaient bien nés" maintenant nous avons "ceux qui ont de bons gènes". Le "sang bleu" coulait dans les veines des nantis, désormais un "ADN d’élite" équipe les cellules des gagnants. La fortune confirme le rang car aujourd’hui comme hier, le dominant est scandaleusement riche par rapport aux dominés.

Parmi les grands de ce monde, beaucoup rêvent de prolonger éternellement leur vie, qu'ils estiment noble, grâce au transhumanisme. Ils souhaitent aussi écourter les existences qu’ils jugent indignes, grâce à l'eugénisme. On imagine bien que lorsqu’on nage dans un monde tapissé de luxe, le spectacle de la misère humaine gâche l’illusion de toute-puissance qu’on aimerait admirer au quotidien. La déliquescence factuelle est insupportable lorsqu’on rêve de contrôle absolu et de grandeur insurpassable.

Hors-sol, déconnectés des réalités de l’existence, enfermés dans une bulle artificielle d’abondance financière, bercés par les promesses scientistes, ils tirent les ficelles de ce monde, en prétendant que les mesures adoptées au fur et à mesure sont destinées à assurer la sauvegarde et le confort des peuples. Leur leitmotiv préféré est "nous allons vous contraindre pour votre bien" alors qu’ils n’ont que leur propre gloire en ligne de mire.

Quelle que soit l’époque, ils utilisent tous les moyens existants pour asseoir leur autorité, pour manipuler les peuples, pour mener paître les foules là où elles ne risquent pas de brouter les verts pâturages estampillés VIP. À notre époque, une technologie incontournable enflamme la soif de pouvoir absolu qui torturait leurs ancêtres. L’informatique, dont nous dépendons quasiment tous, pourrait leur permettre de régenter nos vies à souhait. Il suffirait d’un clic de souris pour élever telle personne, rabaisser telle autre. C’est plus rapide, plus fiable, plus discret qu’une lettre de cachet.

Quoiqu'il en soit, on peut constater que le niveau d'éducation ou de richesse ne change rien. Quelle que soit sa catégorie sociale, politique ou religieuse, l'humain cherche toujours à rejeter sur d'autres groupes d'humains, la responsabilité de tous ses malheurs.

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