Égoïsme

Après avoir décidé que l'ego est tout à fait naturel et que sa destruction n'est que pure barbarie, je me suis demandée en quoi consiste sa maladie. Comment pourrais-je définir l'égoïsme destructeur?

Pour moi, l'égoïsme est la tendance à se focaliser sans nécessité sur Moi Ici Maintenant.

Se focaliser sur Moi : cela consiste à ne prendre soin que de son propre ego. Dans le meilleur des cas on en vient à négliger celui des autres. Dans le pire des cas on est prêt à sacrifier autrui pour atteindre ses objectifs. Il est naturel de satisfaire son ego mais lorsque celui des autres n'est pas pris en compte, cela ne peut mener qu'à l'isolement, aussi confortable soit-il. Bien souvent cela engendre aussi de la violence car les egos ne sont pas disposés à se laisser écraser sans résistance. Chacun a le droit de vivre et de se développer. S'entraver mutuellement ne peut pas mener bien loin. Il est plus aisé de s'épanouir dans la quiétude que dans le conflit.

Se focaliser sur Ici : satisfaire son ego et celui des autres, quelle louable intention, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions. La satisfaction superficielle peut parfois nous épuiser en vain, masquer des blessures insoupçonnées ou provoquer des dégâts en profondeur. Il est préférable d'évaluer l'étendue des décisions pour éviter les effets secondaires indésirables. Avant de satisfaire les désirs et les besoins que nous avons sous les yeux, il peut être utile de tenter de cerner les conséquences probables. Il est encore plus utile de scruter les désirs et les besoins pour éventuellement discerner ce qui les sous-tend, afin d'agir à la racine et limiter ainsi les risques d'égarement ou de souffrance prévisibles.

Se focaliser sur Maintenant : nous avons un passé et un futur. Donc il vaut mieux que la satisfaction de notre ego soit cohérente dans le temps. Il est nocif de n'agir qu'en réaction par rapport au passé ou de l'ignorer comme s'il n'avait jamais existé. Nous prenons les décisions au présent, nous agissons au présent mais ce que nous sommes aujourd'hui dépend de ce qui s'est passé hier. Pour nous faire du bien au présent, il vaut mieux tenir compte de ce qui s'est passé. D'un autre côté, ne prendre que des décisions à court terme peut provoquer l'instabilité, l'échec, l'épuisement ou la désillusion. Notre vie est une construction structurée. Cela demande de la planification, de l'anticipation. Cela n'empêche pas la spontanéité ponctuelle. Il suffit juste qu'elle intervienne de façon pertinente, tout comme une oeuvre d'art fantaisiste décore élégamment une maison soigneusement élaborée.

Il me semble que Moi Ici Maintenant est un point de départ. C'est le point zéro d'un graphique en 3 dimensions, dont les axes sont ego, situation et temps. On revient au point de départ lorsque des circonstances particulières l'exigent. Lorsque notre intégrité est menacée, toutes nos forces se concentrent sur Moi Ici Maintenant pour secourir notre existence. Lorsque Moi Ici Maintenant devient un état permanent alors on est en mode survie, on s'en sort au lieu de s'épanouir, on limite les dégâts au lieu de construire, on fait ce qu'on peut au lieu de faire de son mieux, on fait face au lieu d'avancer, on survit au lieu de vivre.

On peut parfois décider de se concentrer sur Moi Ici Maintenant, par exemple pour méditer ou se relaxer. Cela reste ponctuel. Ce retour volontaire et maîtrisé au point zéro permet de mieux concevoir l'expansion de l'ego le long des 3 axes. Se concentrer sur Moi Ici et Maintenant pour voir ce que je peux faire pour moi et les autres, pour comprendre ce dont j'ai réellement besoin, pour évoluer de façon harmonieuse et durable.

Lorsque le Moi Ici Maintenant est déréglé, il rend l'ego malade, il le rend égoïste. Lorsqu'il est savamment utilisé, il permet à l'ego de fructifier et de nourrir le monde.

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