Les enfants

Je n'ai pas eu une enfance bercée par la douce affection de la chaleur parentale. Mes parents n'étaient absolument pas démonstratifs, pas tactiles, pas chaleureux et j'étais plutôt solitaire. À l'âge adulte, j'en ai beaucoup souffert. Je regardais avec envie les enfants étreints par leur parents, en me disant, les larmes aux yeux, que je connaîtrai jamais tout ça. Et puis le temps à passé et puis j'ai regardé autour de moi et maintenant je ne regrette plus d'avoir manqué d'affection. J'ai toujours cru que l'affection était un baume magique bienfaisant. Pas du tout. C'est avant tout un moyen d'expression, donc il peut être bien utilisé ou mal utilisé. Mal utilisé, ça donne quoi? Addiction toxique par exemple.

Lorsqu'un parent fait la bise sur la joue de son enfant, quelles sont ses intentions? L'intention change la portée du geste. Par exemple, une personne qui manifeste beaucoup d'affection envers son enfant pour compenser une vie de couple insatisfaisante, peut abîmer son enfant, en developpant une relation ressemblant à un inceste platonique. Mon parcours m'a montré que les personnes qui aiment plus leur enfant que leur conjoint, fabriquent des détraqués, sans s'en apercevoir tellement ils sont comblés d'affection. D'une façon générale, il me semble que l'égoïsme peut rendre l'affection toxique, car le parent ne voit que ses propres envies et pas les besoins réels de l'enfant. L'adulte satisfait ainsi ses propres désirs, sans même se rendre compte que son enfant a éventuellement besoin d'autre chose à ce moment là. Vu que l'affection est présentée comme une chose forcément positive, les parents qui agissent égoïstement sont convaincus d'avoir une conduite bénéfique.

De son côté l'enfant peut développer une addiction envers cette affection, tout en souffrant de sa toxicité. Il apprend à résoudre automatiquement tous ses problèmes avec de l'affection, sans chercher de solution adéquate, sans même chercher à les identifier. Un enfant maltraité peut en grandissant, se rendre compte des dégâts qu'il a subi, car la violence des actes perpétrés à son encontre est identifiable. Qu'en est-il de l'enfant qui a baigné dans une affection toxique? Il ne se souvient que d'actes aimants en apparence. Comment peut-il identifier la nocivité subtilement dissimulée dans la douceur des attitudes? Une fois adulte, il peut souffrir d'un malaise impossible à identifier, étant donné qu'en apparence tous les éléments du bonheur sont réunis, tandis qu'au fond de lui, ses besoins le torturent car ils ne sont jamais pris en compte.

Non vraiment l'affection n'est pas magique. Mal utilisée, elle peut même devenir nuisible. C'est l'intention qui est magique. Avant mai 68, l'éducation des enfants était plutôt tyrannique. Depuis cette date, l'affection s'est généralisée dans les foyers, le but étant que la famille nage constamment dans un flot d'émotions positives. Cela a donné naissance à des phénomènes assez variés, allant de l'enfant roi qui exige tout, tout de suite, à l'enfant esclave qui ne supporte que la positivité, s'effondrant à la moindre négativité. Si l'affection était inconditionnellement bénéfique, le monde occidental serait un paradis, car il serait majoritairement peuplé d'être épanouis. Or la société de consommation montre que l'excès, le manque et la toxicité de l'affection mènent plutôt à la frustration, nécessitant des compensations à n'en plus finir. Le malaise du corps enseignant montre que rechercher le bonheur absolu pour les enfants, n'est pas forcément la bonne option, car les droits s'accompagnent toujours de devoirs. Alors que faire?

On pourrait peut-être reconsidérer l'image que l'on se fait des enfants. La société nous apprend que les enfants apportent la joie, la pureté, l'amour, la spontanéité, la fraîcheur, l'innocence... Plein plein plein de bonnes choses ils apportent les zenfants. Donc les personnes qui font des enfants s'attendent à du pur bonheur. Tout ça n'est que du pur fantasme. En réalité l'enfant est le fruit de la rencontre entre 2 gamètes. En réalité il en sortira un être humain en construction, qu'il faut accompagner jusqu'à l'âge adulte. Être adulte, c'est entre autre être capable de faire des choix justes. Donc le but principal en faisant un enfant, ne devrait pas être de se faire plaisir, ni de lui faire plaisir mais plutôt de veiller à ce qu'il devienne capable d'assumer sa vie en toute circonstance.

Il me semble qu'il serait bénéfique de diminuer cette aura émotionnel dont la culture entoure l'enfant, car elle brouille le jugement, elle empêche de voir les véritables enjeu d'une naissance. Une naissance augmente la population d'un individu supplémentaire. Une naissance est un engagement, envers soi, envers l'enfant, envers l'autre parent, envers la société. Voir son enfant devenir de plus en plus autonome, fort, intelligent, habile, ouvert, astucieux, aimant, généreux... telle devrait être la principale source de joie des parents. Le reste n'est qu'espoir et conjectures, le reste devrait passer en second plan et n'être vu que comme la cerise sur le gâteau.

Afin de d'atténuer la dimension emotionnelle de la parentalité, pourquoi ne pas utiliser des utérus artificiels pour concevoir les enfants? Il y a eu fast'huitre, il y a eu rapid'asperge, voici venir magic'couv! J'estime que cette solution serait vraiment ignoble. Ignoble pour l'enfant car son apprentissage commence dans le ventre de sa mère. Il bénéficie des moindres faits et gestes de sa génitrice. Une machine ne peut pas reproduire la richesse d'une vie humaine. L'ectogenèse ne peut qu'atrophier l'enfant, en retardant de 9 mois le début de son apprentissage. L'ectogenèse ne peut que choquer l'enfant car il passerait brutalement d'une cuve morte à un monde vivant. L'utérus naturel lui permet d'apprendre en douceur par l'intermédiaire de sa mère, avant de découvrir par lui-même. La transition est plus douce.

L'utérus artificiel serait ignoble pour les parents car le confort occidental excessif infantilise les adultes en les délestant de leurs responsabilités et en les dispensant de faire des efforts. Une machine à pondre des bébés? Quelle aubaine pour les flemmards, les trouillards et les snobs qui veulent se débarrasser du stress de la procréation. Il suffit de glisser quelques billets dans la fente de magic'couv et d'attendre 9 mois! C'est facile, c'est pratique, on n'est pas obligé de bouleverser sa petite vie. Officiellement cette machine est présentée comme un sauveur altruiste, destiné à résoudre les problèmes de fertilité mais nous savons bien qu'elle a pour seul but d'enrichir ses fabricants. Au début elle s'adressera aux couples stériles, ensuite aux populations homosexuelles et enfin à toute personne désireuse de conserver son petit confort égoïste.

Et c'est bien là, selon moi, ce qui cloche. Avec l'égoïsme, les enfants sont traités comme de simples objets de bien-être et de développement personnel. Les parents sont censés donner. Au lieu de ça ils se servent, car ils veulent recevoir du bonheur. Nombreux sont ceux qui, attendant un déluge de joies conformes à leurs fantasmes, sont dépassés par l'investissement personnel qu'exige la parentalité. Cette saleté de magic'couv ne ferait qu'augmenter le niveau d'égoïsme et d'immaturité de la société. Actuellement l'enfant est un objet qu'il faut obtenir par l'effort. Avec une couveuse de foetus humains, l'enfant deviendrait un objet de consommation comme les autres, un objet qu'on achète!!! En voilà une occasion en or de projeter encore plus librement ses fantasmes sur l'enfant.

- Votre enfant en 9 mois Top chrono. 100% plaisir. 0% inconvénient. Satisfait ou remboursé!
- Chéri, on en prend un?
- Attends, je consulte notre solde. Oui c'est bon. Tu me donnes la carte bleue?
- Oh! Regarde. Si on en prend 2, le 3ème est gratuit.
- Super! On commande 1 fille aux yeux bleus et 2 garçons aux yeux verts pour faire symétrique. Ok?

Ignoble.

Un peu moins de fantasmes égoïstes, un peu moins d'attentes affectives, un peu plus de réflexion, un peu plus de conscience, un peu plus de responsabilité, un peu plus de réalisme. Il me semble que cela ferait le plus grand bien aux parents, car ils ne seraient pas confrontés aux déconvenues de la frustration, en voyant l'enfant prendre une voie éloignée de leurs projections fantaisistes. Il me semble que cela ferait le plus grand bien aux enfants, car c'est déjà assez laborieux de se construire physiquement, intellectuellement, émotionnellement et socialement. S'il faut en plus assumer l'excès, le manque ou la toxicité de l'affection de ceux qui sont censés encadrer la croissance, le développement n'est pas harmonieux, l'âge adulte promet plus de tourments qu'autre chose.

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